Focus sur le panda géant

Cet article a été rédigé en 2016 par Jérôme Pouille, le créateur du site “pandas.fr”

Le panda géant (Ailuropoda melanoleuca) était déjà connu depuis des millénaires dans l’Orient mystérieux lorsque son existence fut révélée au monde occidental. Pour les savants européens, l’ours noir et blanc resta un mythe jusqu’en mars 1869, date à laquelle le Père Armand David, un missionnaire et naturaliste français, en découvrit un exemplaire dans les montagnes sud-occidentales de la Chine.

Comme son homonyme le panda roux, le panda géant appartient à l’ordre des carnivores mais au cours de l’évolution il s’est tourné vers un régime alimentaire herbivore, quasi exclusivement composé de bambous. Ces derniers sont facilement accessibles et disponibles toute l’année, et ce choix évite au panda géant une compétition alimentaire. Il en consomme toutes les parties avec des préférences saisonnières. Au printemps par exemple, les pandas géants raffolent des nouvelles pousses de bambous tout juste sorties de terre, très nutritives. En fonction de l’opportunité, ils peuvent compléter leur repas de baies, d’œufs, ou encore de charognes.

© Jérôme POUILLE

Le système digestif du panda géant n’est pas complètement adapté à ce régime si particulier pour un carnivore. Il ne digère que 17% du bambou qu’il consomme et il est donc obligé d’en ingérer de grosses quantités, entre 15 et 30 kilos par jour selon les saisons. Plusieurs adaptations caractéristiques ont été malgré tout développées au fil de l’évolution : un système digestif tapissé de glandes lubrifiantes pour faciliter le passage du bambou, une adaptation du crâne pour permettre une force de mastication importante, des molaires larges et aplaties pour broyer le bambou. Enfin, et c’est sans aucun doute l’adaptation la plus caractéristique, le panda géant possède à ses membres antérieurs, tout comme le panda roux, une sorte de pouce opposable aux autres doigts : on l’appelle le sixième doigt du panda et il s’agit en fait d’une excroissance osseuse de l’os sésamoïde radial. Il s’en sert pour saisir le bambou, l’éplucher, le décortiquer et le porter à sa bouche.

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Le panda géant pèse généralement entre 60 et 80 kg dans la nature ; les plus gros peuvent atteindre 110 kg. Les femelles sont généralement plus petites. En captivité, les individus pèsent de 80 à 130 kg. Son corps mesure de 1,20 à 1,50 mètres (tête comprise). Ses pattes sont couvertes de poils noirs épais qui lui assurent une démarche stable notamment sur la neige. Ses griffes sont acérées et elles lui permettent de grimper aisément. Il sait nager et il n’hiberne pas (les bambous étant disponibles toute l’année). Dans la nature, il atteint rarement l’âge de 20 ans tandis qu’en captivité, plusieurs dépassent les 30 ans.

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Sa bi-coloration pourrait être une couleur protectrice dans la forêt dense ou la neige mais permet également aux individus de se reconnaître. Son pelage épais est recouvert d’une couche d’huile à sa surface ce qui facilite ses mouvements dans la forêt dense et qui limite la perte de chaleur corporelle et la pénétration de l’humidité.

Tour à tour classé avec le panda roux, puis avec les ratons laveurs, ou bien encore dans une famille à part, la classification du panda géant a fait l’objet de nombreuses controverses scientifiques. Aujourd’hui, il est confirmé et admis par la sphère scientifique que le grand panda appartient bien à la famille des ours (Ursidae).

Le panda géant est un animal solitaire. Mâles et femelles ont leur propre territoire et ont peu de contacts physiques directs entre eux en dehors des périodes de reproduction ou des relations mères / jeunes. Ils possèdent une glande ano-génitale qu’ils utilisent pour marquer olfactivement et chimiquement leur territoire, à l’aide de postures variables qu’ils adoptent pour marquer plus ou moins haut. Le marquage, qui a lieu toute l’année, est plus fréquent durant la saison des amours. Il en est de même pour la communication vocale, plus développée et plus audible de mars à mai. Marques odorantes et signaux vocaux permettent de transmettre de très nombreuses informations, ils sont hautement individualisés et agissent comme des cartes de visite capables par exemple d’indiquer l’état de réceptivité sexuelle d’un individu ou même l’âge et le sexe de l’émetteur. Pour un animal solitaire, cette communication est capitale pour la coordination et le succès des efforts de reproduction. D’autant que la femelle n’accepte le mâle que de 1 à 3 jours par an, lorsqu’elle connaît son pic de réceptivité. Plusieurs mâles peuvent se disputer une même femelle, le plus expérimenté l’emportant prioritairement. Chaque mâle peut s’accoupler avec plusieurs femelles et une même femelle peut accepter d’autres mâles après s’être accouplée avec son préféré.

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Après l’accouplement, les individus retrouvent leur vie solitaire. La durée de gestation est variable car la femelle connaît une diapause embryonnaire, un processus durant lequel le noyau de la cellule qui formera l’embryon flotte plus ou moins longtemps dans l’utérus, avant de s’implanter. Les scientifiques pensent que ce délai permet à la cellule de s’adapter aux variations de nourriture et d’altitude dans l’aire du panda. La femelle donnera naissance à un ou deux petits, très rarement trois, dans une tanière qu’elle aura préalablement aménagée dans le creux d’un arbre ou une grotte. Les petits naissent généralement en août ou septembre et la mère panda n’en élèvera qu’un seul, les autres mourront rapidement, faute d’énergie suffisante pour pouvoir s’occuper de plus d’un petit à la fois. Le bébé panda ne pèse qu’environ 120 grammes, soit 1/900ème seulement du poids de sa mère, il s’agit du plus gros écart chez les mammifères entre poids de la mère et de son bébé. Son corps rose est couvert de quelques poils blancs courts et clairsemés. Ses yeux sont fermés et il est sourd. Sa mère s’en occupe sans relâche, l’allaite plusieurs fois par jour et reste sans manger. Le petit connaît une croissance rapide et à l’âge de six mois il va ressembler à un adulte en miniature. A son premier anniversaire, il pèse de 20 à 30 kilos, se nourrit de bambous et restera encore avec sa mère jusqu’à ses 18 mois voire jusqu’à ses 30 mois, avant de s’établir dans son propre territoire. Il ne sera mâture à son tour qu’à l’âge d’environ 7 ans.

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Seulement 1 864 pandas géants subsistent de nos jours à l’état sauvage, dans six grands massifs montagneux du centre de la Chine, les monts Qinling dans les provinces du Shaanxi et du Gansu, les monts Minshan dans les provinces du Gansu et du Sichuan et les monts Qionglai, Daxiangling, Xiaoxiangling et Liangshan dans la province du Sichuan. Trente-trois populations quasi isolées les unes des autres se répartissent un territoire de 2 576 595 hectares généralement compris entre 2 000 et 3 800 mètres d’altitude sur les contreforts sud-est du plateau tibétain dans un écosystème qualifié de « point chaud de biodiversité » pour sa richesse écologique et son caractère menacé.

Le territoire du mâle, d’une superficie de 6 à 7 km², peut recouper celui d’un ou plusieurs autres pandas, mâles ou femelles. Le territoire de la femelle est un peu plus petit et comporte une aire centrale où se trouve généralement la tanière. Les pandas effectuent des migrations saisonnières entre leurs habitats d’hiver et d’été. Ils sont actifs de jour comme de nuit avec des pics d’activité qui dépendent du territoire où ils vivent. Ils passent plus de 50% de leur temps à manger.

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Braconnage, exploitation forestière et déforestation massive, conversion des forêts en terres agricoles, expansion des villes, développement effréné de la population chinoise et des activités de développement associées sont les maux qui ont conduit dans le passé les derniers pandas sauvages à se réfugier dans un habitat en recul et fragmenté.

Disparition et fragmentation de l’habitat sont les deux menaces persistantes aujourd’hui et elles ont pour conséquence une difficulté pour les individus à migrer, processus naturel indispensable notamment pour trouver un partenaire pour la reproduction et ainsi favoriser les échanges génétiques, mais aussi pour le jeune qui cherche à établir son propre territoire après la séparation avec sa mère, ou encore pour la recherche de sources de nourriture alternatives dans le cas d’épisodes de mort du bambou, la nourriture quasi exclusive du plantigrade chinois.

Depuis les années 1990, la Chine a déployé des efforts considérables pour protéger son espèce phare : création d’un réseau de réserves naturelles (67 au total à ce jour) qui correspondent à des portions de l’habitat protégées administrativement où les activités humaines sont contrôlées voire interdites. Elles protègent deux tiers des pandas sauvages mais ne couvrent que guère plus de la moitié de leur habitat. En 1998, la Chine instaure deux programmes qui vont donner un élan d’espoir pour les derniers pandas sauvages : la promulgation d’un moratoire sur la déforestation et un programme de conversion de terres agricoles en forêts.

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Simultanément, des programmes in situ de conservation vont être initiés, avec un volet de soutien au développement durable des communautés, avec pour postulat que c’est seulement en donnant satisfaction efficacement aux besoins des populations locales et en encourageant des pratiques de développement durable que la survie à long terme du panda peut être espérée. Ces projets, menés par le gouvernent chinois en coopération avec la branche chinoise du WWF, visent la fourniture de moyens aux populations locales pour qu’elles s’engagent dans des modes de vie alternatifs durables tout en augmentant leurs revenus et en réduisant l’impact sur l’habitat du panda des activités portant atteintes à l’environnement tels le braconnage, l’exploitation forestière, la collecte de plantes médicinales, la coupe de bois pour le chauffage et la cuisine, ou encore des modes d’agriculture inadaptés. Ces projets innovants de conservation sont accompagnés de mesures d’éducation et de formation des communautés et des fonctionnaires des gouvernements locaux sur les questions environnementales et les pratiques en matière de conservation.

Protéger l’habitat du panda géant, c’est protéger un écosystème unique, très riche, abritant des centaines d’autres espèces animales et végétales sous le « parapluie » du panda. Plus de 10% des espèces de mammifères connues dans le monde vivent en Chine et parmi elles 18% sont endémiques de Chine. A ce jour, 179 espèces de mammifères partagent le même habitat que le panda géant, soit 32% des mammifères qui vivent en Chine. On dénombre également 565 espèces d’oiseaux, 31 espèces de reptiles, 92 espèces d’amphibiens et 132 espèces de poissons dans l’habitat du panda géant.

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Qui suis-je ?

Ambassadeur des pandas géants de Chengdu (« Chengdu Pambassador » en anglais), voici le titre qui m’a amené en Chine, pays ancestral de l’ours noir et blanc. Ambassadeur des pandas, c’est à la fois mieux connaître l’espèce, comprendre quelles sont les menaces qui pèsent sur elle et son habitat, comprendre comment elle est élevée en captivité, quelles sont les recherches qui mobilisent nombre d’experts chinois et occidentaux, mais surtout de transmettre toutes ces connaissances au plus grand nombre, sensibiliser, communiquer, expliquer, éduquer à la conservation.

J’ai eu ainsi l’opportunité de partager pendant trois mois le quotidien des soigneurs, vétérinaires et scientifiques de la base de recherches de Chengdu sur l’élevage du panda géant (Chengdu research base of giant panda breeding), puis d’effectuer un tour du monde des zoos qui exposent le panda géant en captivité où j’ai pu rencontrer le personnel et mener des actions d’éducation à la conservation avec le public.

Ambassadeur de la cause du panda, je l’ai toujours été. Le site internet d’informations et d’actualités que j’ai créé en 2002 (www.pandas.fr) en est l’illustration et participe à la sensibilisation des scolaires, des passionnés, des curieux et de tous ceux désireux de percer le mystère du grand ours chat, comme le nomment les Chinois. Je suis également l’auteur de la récente brochure « Pandas géants, ambassadeurs de la conservation » et du livre photo « Pandas géants autour du monde ».

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