Classification phylogénétique

 

Le panda roux : Plus proche du panda géant ou du raton-laveur ?

 

Les Chinois l’appellent le « chat-ours », les Anglais le « renard de feu », ou encore le « raton laveur himalayen ». Les scientifiques qui l’ont découvert en 1825 l’ont nommé « Ailurus », terme latin dérivé du grec « Ailuros », qui signifie « balance-queue » et désigne un chat.

Pas étonnant que le panda roux soit resté si énigmatique pendant toutes ces années ! Qui est son plus proche parent ? Le chat, le renard, le raton laveur ? Ou peut-être le panda géant ?

Renard roux
Raton laveur
Panda géant

Pour nous aider à répondre à cette question, nous avons interrogé Stéphane Peigné, le directeur adjoint du Centre de Recherche sur la Paléobiodiversité et les Paléoenvironnements. M. Peigné possède un doctorat en systématique et évolution des féliformes du Paléogène en Eurasie. Il est chargé de recherche au Centre National de Recherche Scientifique (CNRS) depuis 2003, et travaille au Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) depuis 2007.

 

Approche morphologique

Le petit panda a été décrit pour la première fois par Frédéric Cuvier en 1825. Dès lors, sa position systématique n’a cessé de poser question parmi la communauté scientifique. En effet, en fonction des critères morphologiques étudiés, le panda roux ressemble plus à un mustélidé (loutre), un procyonidé (raton laveur) ou un viverridé (civette), selon la morphologie générale du corps, la couleur, la longueur du museau, la dentition, ou encore les pattes.

Loutre
Civette

En 1843, Gray est le premier à utiliser le terme « ailuridé », qu’il entend comme une sous-famille. Dans la classification de Gray, les Carnivora sont divisés en deux groupes, l’un comprenant les félidés (félins), les hyaenidés (hyènes), les viverridés, les canidés (loups) et les mustélidés, l’autre les ailuridés, les procyonidés et les ursidés (ours). Mais le terme « ailuridés » ne sera pas réutilisé avant la fin du XXe siècle.

Jusqu’au milieu des années 1960, la majorité des études place le genre Ailurus parmi les procyonidés, ou les décrit comme des cousins. Les critères morphologiques utilisés sont : la dentition, le crâne, l’anatomie générale, la base du crâne, la génétique et les preuves écologiques.

Crâne de panda roux  
Crâne de raton-laveur

Mais la majorité de ces caractères n’est pas pertinente, car ils peuvent résulter par exemple d’une variation intraspécifique, ou encore être trop généraux. Par exemple, prenons le nombre de molaires présentes sur chaque mandibule : les ours en comptent trois, alors que les pandas roux n’en possèdent que deux…

Crâne d’ours

Il faut également savoir que les premières études ne comparaient que quelques taxons entre eux. En 1964, Davis, qui étudie alors le panda géant, réalise une comparaison plus exhaustive avec, cette fois-ci, un certain nombre d’autres espèces de Carnivora. Il en résultera de son étude que le panda géant fait partie de la famille des ursidés, avec une spécialisation alimentaire herbivore ; Davis fait un autre constat : le panda roux est différent du panda géant et n’est pas un ursidé. A partir de la fin des années 1980, les scientifiques incluent plus de Carnivora dans leurs études, permettant ainsi de préciser la classification systématique.

 

Approche historique

Nous savons aujourd’hui que la famille des ailuridés comprend neuf genres, et vingt-six espèces, presque toutes fossiles. La seule espèce encore vivante est Ailurus fulgens, le panda roux. Mais il n’a pas été facile de déterminer la position systématique de toutes ces espèces car les scientifiques ne disposent parfois que de peu de matériel pour effectuer leurs recherches (des squelettes souvent incomplets). Ainsi l’origine de la famille est encore à déterminer, mais le plus ancien ailuridé retrouvé serait daté de 28 millions d’années, à la fin de l’époque oligocène. Il s’agit d’Amphictis. Tous les squelettes d’Amphictis ont été découverts en Europe, ce qui détermine le berceau de la famille dans cette région. Puis des ancêtres du panda roux auraient migré en Asie et en Amérique du Nord. Le genre Ailurus apparaît quant à lui en Chine au milieu de l’époque pléistocène.

La prise en compte de tous ces fossiles a permis d’établir une relation étroite entre ces espèces, grâce à 31 caractères morphologiques significatifs (se rapportant au crâne, à la mandibule, à la dentition et à un os modifié du poignet, aussi appelé « faux pouce »), les classant ainsi dans une famille bien à part, celle des ailuridés. Mais tous les ailuridés ne se ressemblent pas ! Les espèces du genre Simocyon, par exemple, apparu il y a 9 millions d’années, à la fin de l’époque miocène, étaient de la taille d’un puma, et carnivore, contrairement au panda roux, qui se nourrit de bambou.

Simocyon batalleri

 

Approche moléculaire

Les premières études biochimiques ont été effectuées à la fin des années 1960, et les premières études moléculaires au milieu des années 1980. Pendant cette période, la position du panda roux a beaucoup évolué parmi les arctoïdes (taxon regroupant les ursidés, les procyonidés, les mustélidés, les méphitidés, les pinnipèdes et les ailuridés). Ceci est dû à différents paramètres majeurs tels que le nombre de taxons utilisé pour les analyses, ou encore le nombre et la diversité des gènes.

Ces premières études biochimiques et moléculaires ont montré un lien entre le panda roux et le panda géant. Il est vrai que le nom vernaculaire « panda », dérivé d’un mot népalais qui signifie « mangeur de bambou », et la répartition géographique de ces animaux tendaient à confirmer ce lien.

Répartition géographique du panda roux          
Répartition géographique du panda géant

En outre, à cette époque, la position systématique du panda géant est également controversée. Il faut attendre 1964 pour qu’il soit assimilé à un ours. De plus, jusqu’à la fin des années 1980, les études ne comparent le panda roux qu’au panda géant, à quelques ours, quelques procyonidés et quelques autres arctoïdes. A partir de 1989, les scientifiques prennent en compte beaucoup d’autres Carnivora, permettant ainsi notamment de mieux définir la classification. En 2000, grâce à leur analyse moléculaire, Flynn et ses collègues établissent que le taxon des Musteloïdea regroupe quatre familles : les mustélidés (loutres, martres), les procyonidés (ratons laveurs), les méphitidés (moufettes) et les ailuridés ! Pour cette étude, ils ont pris en compte tous les caniformes, c’est-à-dire les arctoïdes et les canidés.

Arbre phylogénétique des caniformes

 

Ainsi, depuis sa découverte en 1825, le panda roux n’a cessé d’évoluer dans la classification systématique. Il faudra attendre le début du XXIe siècle pour que paléontologues et biologistes moléculaires s’accordent et lui octroient sa place si particulière. C’est l’unique descendant encore vivant d’une famille à part entière : les ailuridés. Sa relation avec le panda géant se limite à son appellation. Il n’est pas rare d’ailleurs que des espèces animales portent le même nom, comme par exemple, le rhinocéros : gros mammifère herbivore et également insecte coléoptère. Nous pouvons donc conclure en répondant à notre question initiale : Le petit panda est plus proche du raton-laveur !

fr_FRFR